Le Premier ministre Sébastien Lecornu s'exprime dans la cour de l'hôtel Matignon le 24 novembre 2025 à Paris ( POOL / Thomas SAMSON )
Pour conjurer la perspective d'un rejet du budget à la fin de l'année, Sébastien Lecornu veut changer de méthode en réunissant les partis sur des "priorités absolues" comme la sécurité, l'agriculture et l'énergie et en soumettant ensuite ces discussions à des votes thématiques au Parlement.
Martelant que son fragile gouvernement "n'a aucun autre agenda que de permettre à la France d'avoir un budget pour l'État et pour la Sécurité sociale pour l'année prochaine", le Premier ministre s'est dit toujours convaincu dans une allocution lundi matin à Matignon qu'il peut exister "une majorité" à l'Assemblée nationale.
Mais, soulignant "l'alerte" constituée par le rejet quasi unanime du volet "recettes" du budget de l’État par les députés ce week-end, ce qui les a empêchés d'examiner la partie "dépenses", le Premier ministre a annoncé un changement de méthode d'ici la reprise des débats budgétaires à l'Assemblée mi-décembre.
A cette fin, il va recevoir l'ensemble des formations politiques ainsi que les partenaires sociaux pour discuter de cinq thèmes vus comme des "priorités (...) absolues" : le déficit, la réforme de l’État, l'énergie, l'agriculture, ainsi que la sécurité intérieure et extérieure.
Le résultat de ces discussions pourrait donner lieu dans la foulée à des votes par thématique afin de créer "un cadre de compromis" ensuite sur le budget, a précisé Matignon.
Le gouvernement saisira ainsi dès la semaine prochaine l'Assemblée nationale et le Sénat d'un vote spécifique sur la défense car les armées seraient "les premières victimes" d'un échec des discussions budgétaires, avec l'abandon de la hausse de 6 milliards d'euros de crédits prévue dans la loi de programmation militaire.
Sur les autres sujets qui pourraient être débattus, M. Lecornu estime que l'énergie est "un enjeu majeur", notamment sur le pouvoir d'achat.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu s'exprime dans la cour de l'hôtel Matignon le 24 novembre 2025 à Paris ( POOL / Thomas SAMSON )
Quant à l'agriculture, "la négociation de la future politique agricole commune avec Bruxelles" doit faire l'objet "d'un consensus le plus large possible".
Concernant la réforme de l'Etat et la décentralisation, il a dit vouloir "avancer rapidement" pour un projet de loi qui pourrait être "rapidement" proposé au Conseil des ministres.
Il a enfin réaffirmé que le budget 2026 devrait "garder une cible de déficit à moins de 5% du PIB"
Le constitutionnaliste Benjamin Morel a souligné sur X que les votes thématiques évoqués par le Premier ministre, prévus "au titre de l'article 50-1 de la Constitution", étaient "purement indicatifs et n'[emportaient] pas l'adoption de parties du budget".
Le rapporteur général du Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains), a regretté un manque de "clarté" de la part de Sébastien Lecornu. "Aujourd'hui, j'ai un peu le sentiment qu'il y a de la cacophonie", a-t-il jugé. "Ii vous voulez donner le tournis aux Français, vous ne vous y prenez pas autrement".
- "Forme de cynisme"-
Le Premier ministre a estimé qu'on pouvait "y arriver à la condition de sortir de cette situation de blocage politique que certains veulent installer comme étant une toile de fond à la prochaine présidentielle".
Il a dénoncé "une forme de cynisme", s'en prenant aux "comportements de La France insoumise et même parfois du Rassemblement national" et implicitement au patron des Républicains Bruno Retailleau, qui a déclaré préférer "une loi spéciale" (c'est-à-dire la reconduction temporaire du budget 2025) plutôt "qu'un budget qui continuera à déclasser la France".
"Il y a quelque chose d'assez stupéfiant, au fond, de voir certains parlementaires, certaines forces politiques parler déjà de loi spéciale", a déploré M. Lecornu.
Parallèlement à ces discussions, les projets de budget de l’État et de la Sécurité sociale vont en effet poursuivre leur route au Sénat.
Dans l'hémicycle d'abord, où les sénateurs ferraillent sur le budget de la Sécu depuis plusieurs jours, avant un vote solennel prévu mercredi après-midi.
Mais également en commission des Finances, où le volet "recettes" du projet budget de l’État est examiné au pas de course lundi avant son arrivée dans l'hémicycle à partir de jeudi.
Le Sénat se lance dans le périlleux examen du budget de l'Etat en commission des Finances, en repartant de la copie initiale du gouvernement ( AFP / MIGUEL MEDINA )
Sur ce texte, les sénateurs repartent de la copie initiale du gouvernement, conséquence du rejet samedi matin de la première partie (recettes) du budget à l'Assemblée nationale.
Les commissaires aux Finances ont voté une restriction de la taxe sur les holdings familiales proposée par le gouvernement, s'opposant aussi à la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés. Mais la contribution différentielle visant les plus haut revenus est pour l'heure épargnée.
La droite et ses alliés centristes s'apprêtent d'ailleurs à s'opposer à la "suspension" de la réforme des retraites et au "dégel" des prestations sociales, deux votes cruciaux qui auront probablement lieu mardi soir.

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